Un village de défrichement

Au temps des grands défrichements des XII et XIIIèmes siècles, Montesson est d´abord un hameau du village de Chatou, en limite de son terroir. Le lieu-dit situé au carrefour entre le chemin montant de Chatou et celui qui relie Argenteuil au Pecq s´est longtemps appelé Le Tronchet, un mot qui signifie souche d´arbre ou clairière. La présence d´une nappe d´eau peu profonde et facilement accessible par des puits, a fixé un premier habitat à « Mont Tesson », sans doute le « Mont du blaireau ». De ces hauteurs, la vue découvre un large horizon de bois et de landes, nouveau terroir à défricher et cultiver. 
En 1310, le hameau dépend encore de la paroisse de Chatou : les « bonnes gens de Chatou et Montesson » défendent leurs droits d´hommes libres, non serfs, contre les abus d´un seigneur. En 1354, Montesson est devenue une paroisse indépendante. Les deux villages garderont en commun jusqu´à la Révolution des terres incultes pour le pâturage des troupeaux en lisière du bois du Vésinet. 

Essai de reconstitution du village médiéval, d'après le censier de 1406 Dessin de Jean-Marie SpitzLe censier de 1406 décrit le village médiéval. Une cinquantaine de maisons réparties en quatre lieux-dits : le Tronchet, le Moustier (autour de l´église, du cimetière et du four commun), le Marais, le Bon Puits (autour d´un orme de même nom et d´un pressoir). 
Le seigneur, qui est le prieur du monastère de Conflans-Sainte-Honorine, possède en propre « un manoir jardin et appartenances entouré de fossés » donnant « sur la rue de devant le moustier », et un bois, dit Bois du Prieur puis bois Sainte Honorine, situé entre le Marais et le Bon Puits.
Pendant les dernières décennies de la guerre dite de 100 ans, la région devient champ de bataille et de pillage, tout n´est que ruines et terres à l´abandon.

Les Seigneuries

Le territoire de la paroisse, unité religieuse et administrative, est divisé en deux seigneuries, celle de Montesson et celle de La Borde. La seigneurie de la Borde est trois fois plus étendue que celle de Montesson, mais l´ensemble du terroir est cultivé par les habitants de la paroisse qui tous vivent au village.

L´existence du fief de Montesson est attestée par un document de 1239 : l´écuyer Jehan de Montjoie cède « le fief et ses appartenances » à l´abbaye de Joyenval ( aujourd´hui sur la commune de Chambourcy). Puis la seigneurie de Montesson appartient au prieuré de Conflans-Sainte-Honorine jusqu´au milieu du XVIème siècle.

A partir de 1564, les de Pileur, de petits officiers de justice d´origine normande, deviennent seigneurs de Montesson : ils ont tout simplement acheté le domaine et les droits seigneuriaux y afférant. Parmi eux, Justine de Pileur dite « Dame de Montesson » , seigneure (sic) à part entière , puis ses fils, les sieurs Portail, également seigneurs de Chatou.

En 1761, les deux seigneuries sont achetées par Henri Léonard Bertin, baron du Périgord . Bertin est un homme d´Etat aux talents multiples, lieutenant général de police de Paris, puis ministre de Louis XV et de Louis XVI. Passionné d´agronomie, il crée avec Parmentier des sociétés d´agriculture. Il expérimente ses idées dans ses domaines de Chatou et de Montesson : culture de pommes de terre, prairies artificielles, élevage de moutons mérinos... Le parc seigneurial de Bertin, mi-parc d´agrément, mi-potagers et prairies, correspond approximativement au quartier actuel du Parc Penet.
Bertin émigre en 1791, les deux seigneuries sont acquises par le marquis de Feuquières qui décède peu après. La Marquise de Feuquières est arrêtée, elle est guillotinée en juin 1794 sur des accusations formulées par la municipalité de Chatou. Quand le parc seigneurial est vendu en 1804, il existe un château inachevé à l´emplacement du square Aristide Briand ; il ne figure plus sur le cadastre de 1820.

La seigneurie de La Borde est constituée à partir d´un fief dépendant du seigneur de Maisons, à une date inconnue. Olivier le Daim, âme damnée de Louis XI, en est brièvement le seigneur avant d´être pendu au gibet de Montfaucon en 1484. Son successeur est Etienne de Vesc, ami et conseiller de Charles VIII. La seigneurie est ensuite achetée par de petits officiers royaux, qui y ont ferme et manoir où ils résident, ainsi les Dodieu de 1581 à 1746. En 1789, l´héritier de la seigneurie est un enfant de 8 ans, le comte Jean Marthe Félicité de Bruyères-Chalabre.

Les villageois

Après les désastres de la fin du Moyen Âge la vie reprend très lentement. Au milieu du XVIème siècle, le prieur de Conflans recense la population. Le village compte 50 foyers soit environ 200 habitants. La plupart d´entre eux sont laboureurs. Plusieurs bourgeois parisiens possèdent des terres dont ils tirent des rentes, et parfois une maison de campagne : la propriété que nous appelons aujourd´hui Les Sophoras existe déjà en 1543. 

Le village vit en économie fermée : cultures de céréales, un peu d´élevage sur les communaux et sur les jachères, quelques vignes et vergers. La forêt du Vésinet est une ressource d´appoint pour le bois et la cueillette.
En 1604, Henri IV achète le bois du Vésinet pour agrandir son domaine de chasse: les rois sont nos voisins. La Cour réside souvent à Saint-Germain-en-Laye au XVIIème siècle, entraînant avec elle une nuée de domestiques et d´officiers dont certains habitent ou fréquentent Montesson. Louis XIII se plaît beaucoup au Château neuf, où Louis XIV naît en septembre 1638. En 1639, Perette du Four, fille de Nicolas du Four, notaire de la seigneurie au temps de Justine de Pileur, est choisie comme nourrice du futur roi. Perette (ou Perrette, selon les actes) et son mari Etienne Ancelin, anoblis et comblés de bienfaits par Louis XIV, font rebâtir à neuf l´église du village en 1662. Perette possédait une propriété dans la grande rue du village, dont faisaient sans doute partie ces bâtiments (à gauche) démolis dans les années cinquante.

 

Les registres paroissiaux, régulièrement tenus depuis 1618, permettent de suivre l´évolution de la population, souvent touchés par des épidémies et des famines, mais qui se renouvelle par l´arrivée de voisins ou de provinciaux. Au cours des XVIIème et XVIIIème siècles, la culture de la vigne se développe, les villageois se disent vignerons. En 1789, on dénombre 240 feux, soit environ 1 000 habitants.

 

La période révolutionnaire

A la veille de la Révolution, les paysans sont très éprouvés par plusieurs années de mauvaises récoltes. Ils sont en perpétuel conflit avec l´administration royale en raison des dégâts commis sur leurs terres par le gibier qui sort du bois du Vésinet.
Le 13 avril 1789, 79 chefs de famille sont réunis dans l´église pour rédiger le cahier de Doléances de la Paroisse. Ils sont encadrés par Jean-Baptiste Moreau, un financier parisien qui possède la propriété des Sophoras, et par le curé Jean Barrière.
Les villageois réclament, entre autres, l´abolition du privilège de chasse et des nombreux impôts qui ne pèsent que sur le Tiers Etat. Ils demandent qu´un impôt foncier soit établi sur toutes les terres, et suggèrent même que les parcs et jardins d´agrément non productifs soient doublement taxés car « c´est un vol que l´on fait aux citoyens consommateurs qui paieraient le bled, la viande et le vin moins chers si toutes les terres étaient 
cultivées… ».

Lors de la Fête de la Fédération le 14 juillet 1790 , les Montessonnais prêtent serment à la Nation, à la Loi et au Roi, en un lieu qu´ils baptisent Place du Serment. 
Le nom de la place lui a été restitué à l´occasion du bicentenaire de 1989.
Le premier maire élu en 1790 est un vigneron, Léonard Alexandre Soyer. Le second est Jean- Baptiste Castel, régisseur du domaine seigneurial. En décembre 1792, c´est le curé Jean Barrière, qui renonce à la prêtrise quelques mois plus tard. La personnalité de ce curé domine la période révolutionnaire, il est le rédacteur de la plupart des récits qui nous en sont parvenus. Sa notoriété persiste au-delà : il est à nouveau maire pendant l´Empire.

Au XIXème siècle

La Révolution met fin aux privilèges seigneuriaux, mais à Montesson les domaines seigneuriaux sont restés intacts. 
Le comte de Bruyères Chalabre dilapide sa fortune et vend ses biens. Son domaine de La Borde est acquis en 1832 par une société industrielle de raffinage de sucre de betteraves. Les betteraves sont cultivées sur 240 hectares et distillées sur place, mais l´entreprise fait faillite 5 ans plus tard et la propriété est divisée. Jean-Baptiste Johnson, pharmacien à Paris, acquéreur de la ferme et de 70 hectares de terres, fait bâtir une maison de campagne en 1854 : c´est l´actuelle Maison du Parc. L´école Le Pelletier de Saint-Fargeau, colonie pénitentiaire, est ouverte en 1895. 
Les Rabaux ne sont encore que des champs…

Au village, le Petit Parc (ancien bois du Prieur), propriété bourgeoise de Pierre Arnaud, est partagé en 1845. Le grand parc seigneurial est acheté en 1817 par le banquier Jean-Jacques Perret, d´où le nom déformé de « Parc Penet »; il n´est vendu et morcelé qu´en 1874. Le domaine des Sophoras ne sera pas partagé au XIXème siècle. Le château actuel est construit vers 1860 par son propriétaire Mathieu Laffite, cofondateur de l´agence Havas.

Grâce à ces ventes et partages, la superficie des terres agricoles augmente. L´économie s'oriente vers la production de légumes pour le marché parisien en essor, comme dans tous les villages alentour. A partir de 1850, le maraîchage attire une main d´œuvre provinciale nombreuse, où les Bretons venus des côtes d´Armor dominent. L´exploitation des carrières de pierres fixe au village plusieurs familles d´immigrés belges.
Vers 1900 la commune compte environ 2000 habitants. Ils vivent encore presque tous au village où les trois-quarts des actifs travaillent dans la culture.

Les vieilles familles montessonnaises, propriétaires d´un foncier arrondi lors du partage des grands domaines, forment l´élite du village. La mise en place de la République a suscité de nombreux conflits entre les bonapartistes cléricaux - ainsi le maire Félix Philippe - et les radicaux-socialistes souvent libres-penseurs, élus de la commune à partir de 1881 : l´adjoint Martial Marigné, figure emblématique des idées républicaines depuis 1848, les maires Auguste Faullain de Banville ( déjà maire à la fin du Second Empire, il est l´architecte de la mairie-école construite en 1868), Louis-Ferdinand Chauvin et Jean Philippe, frère et opposant politique de Félix.

Le début du XXème siècle

Le fait nouveau est le développement des deux nouveaux quartiers de La Borde et des Rabaux, quartiers de « banlieusards », employés et ouvriers qui travaillent hors commune. 

A la Borde, l´ouverture de la gare de Sartrouville en 1892 donne le coup d´envoi à l´urbanisation. Dans une carrière sur le site actuel de Carrefour ont lieu de 1906 à 1909 les envols spectaculaires de ballons dirigeables, construits et abrités sous un immense hangar. Plus discrètement, Trajan Vuia avait le 18 mars 1906 fait voler un aéroplane sur une douzaine de mètres au dessus de la route de la Borde.
Au lotissement des bords de Seine une vingtaine de ménages est recensée en 1911. En 1926 il y a 1000 habitants, 2000 en 1946.

L´école Le Pelletier de Saint-Fargeau a changé de nom et de vocation en 1902 : l´institut Théophile Roussel accueille des jeunes garçons difficiles de 7 à 14 ans ; puis l´école évoluera en centre hospitalier psychiatrique.
Les Rabaux ont 50 habitants en 1900, 500 en 1946, 700 à la fin des années cinquante.

Aujourd'hui, une petite ville de la grande banlieue

Tout va changer à partir des années 60. Avec la généralisation de l´automobile, l´éloignement des gares n´est plus un frein à l´urbanisation. Le maire Edouard Béhuret et la municipalité d´union de la gauche favorisent la construction de nombreux logements, des collectifs HLM aux lotissements pavillonnaires. De nouveaux programmes ont été réalisés par les municipalités de droite élues depuis 1989, dirigées par Pierre Gesta puis par Jean-François Bel.
La population triple, environ 16000 habitants aujourd´hui, dans une cité-dortoir où plus de 80 % des actifs ont un emploi hors commune. Le maraîchage s´est modernisé et adapté aux besoins du marché parisien, la production intensive des salades a remplacé celle des légumes du pot au feu. Dans les champs, les Portugais ont succédé aux Bretons. 
La poursuite de l´activité agricole est liée à la préservation de la plaine et à la maîtrise de l´urbanisation. Conserver ce poumon vert à 14 kilomètres de Paris, c´est l´enjeu du XXIe siècle pour la commune.

Rédaction : Association Mémoire et Histoire de Montesson (MHM)

Pour en savoir plus :
Le livre « Chemins et rues de Montesson au cours du temps » écrit par l´association, avec notes, sources et bibliographie.
En vente auprès de l´association http://www.montesson-histoire.com

Le blason de Montesson

Par délibération du 14 septembre 1966, le conseil municipal adopte pour blason les armoiries de la famille de Montesson, vieille noblesse d´épée attestée depuis les croisades, « d´argent à trois quintefeuilles d´azur ». 

Les comtes, vicomtes et marquis de Montesson sont seigneurs de Bais en Mayenne, où se dresse encore le château de Montesson, et d´autres lieux du Maine et de l´Anjou. Mais il n´existe aucun lien entre cette famille et la commune de Montesson, excepté l´homonymie! 

Le hasard a bien servi la commune : on peut reconnaître dans ces trois figures héraldiques semées sur un champ blanc la représentation des trois quartiers urbanisés entourant la plaine. Au bleu des quintefeuilles, les élus ont ajouté l´or d´une couronne à tours crénelées, caractéristique d´une ville et le vert d´un rameau de chêne, symbole de force et d´un rameau d´olivier, symbole de paix. L´ensemble, est-il dit dans la délibération, « signifie la force avec laquelle la ville de Montesson est attachée à l´idée de paix. »